Capter le bois / détecter la forêt
Charles-Antoine Poulin
Une industrie qui exploite davantage, un marché qui promeut le bois sous toutes ces coutures : il serait faux d’énoncer que la pression sur les forêts ne se fait pas sentir. L’opinion publique lynche joyeusement les entreprises forestières et les ravages qu’elles multiplient dans les forêts québécoises, cet « or vert » national en pleine déplétion. La modernisation des industries du bois des dernières décennies, ayant atteint un plateau, ne parvient pas à répondre à la demande croissante. Et le ministère, qui s’occupe de la planification jusqu’aux travaux sylvicoles en passant par la plantation des semis en pépinières publiques, éponge un important déficit en prenant toutes les responsabilités de nos forêts.
Des crises forestières en augmentation, une industrie en quête de sens : il est impératif de rechercher ce qu’il est possible d’accomplir avec nos ressources, mais surtout de les préserver. L’industrie forestière abitibienne représente le cœur économique de la production de bois de la région, mais pourtant se retrouve à la fin de la chaîne des intervenants assurant la préservation de notre couvert forestier. Et pourtant, l’émergence de la construction en bois d’ingénierie soulève de nombreuses questions, notamment pour l’acclimatation face aux changements climatiques et sur le cycle de vie des bâtiments. Fusent également les contraintes de l’architecture, réclamant du bois mur-à-mur pour ces projets dont le langage de construction est toujours à définir. À partir de ces constatations, ce projet explore comment une architecture qui prône le bois peut participer à une démocratisation locale de l’industrie des produits de bois, assistée par l’apport technologique de l’industrie 4.0.
La façon d’employer la ressource, mais également de faire son monitoring, détient peut-être la clé de la question. L’apparition de capteurs dans le bois, mais également en forêt, assure un suivi constant de l’arbre et de son écosystème, permettant de comprendre cette biodiversité face aux changements climatiques. La proposition est de développer un centre de germination de plants forestiers pour desservir les forêts abitibiennes et des environs. La collecte de données sur l’état des forêts permet d’en comprendre l’adaptabilité et déterminer les interventions requises pour son maintien. Le centre de germination, quant à lui, ferme la boucle en se prévalant d’une structure en bois monitorée qui fait de ce projet un « centre de données » pour l’adaptation du bâtiment vis-à-vis son exploitation, son cycle de vie et de la performance du bois sous divers paramètres. L'idée est de démontrer la possibilité de construire un centre qui emploie le monitoring non seulement pour son rôle programmatique, mais également pour son propre maintien, et qui contribue à la construction de connaissances sur le bois.